Concours: écriture




Voilà le moment venu pour lancer le concours d'écriture, ouvert à tout le monde

Les règles:

Ecrivez un texte d'environ 500 mots sur le sujet suivant:
"Quarante ans après sa disparition, un lord anglais déclaré mort"


Vous vous souvenez de cet article, partagé par (je crois...) Souram en février 2016

"40 ans après sa disparition..."


Alors inventez une histoire autour! Drôle, hilarante, loufoque, frissonnante, à faire peur, fantastique, elfique, polaresque, avec votre héro/héroïne préféré ou inventé, noire - seule votre imagination vous fixe les limites!

Une seule condition: au moins une fois le mot "Bookcrossing"





Et bien évidement, vous pouvez aussi vous servir de


- la première phrase

- une phrase de la page 100





Mais après, il faut attendre la CPB pour connaître les résultats!



Voilà, amusez-vous bien!





Les Textes



N° 1

Quarante ans après sa disparition,
un lord anglais déclaré mort
fit soudainement son apparition
en sa résidence de la rue Belmore.
Sa veille épouse, à peine remise,
s’écria « Mon ami, quelle surprise !
Vous voilà parti depuis si longtemps,
alors que nous prenions du bon temps
lors d’une partie de Bookcrossing
organisée par notre cher King !
Je me souviens encore de ce jour
où tous les lords réunis au palais,
au Bookcrossing chacun à leur tour
sous les ordres du roi, s’initiaient.
BCID obtenus, étiquettes imprimées,
et livres dûment enregistrés,
débordant d’enthousiasme, vous partîtes
dans la nature environnante les libérer.
Ah, cher ami, comme c’est triste,
hélas, jamais nous ne vous revîmes ! »
A ces paroles, le vieillard chenu
qui , accablé jusqu’alors s’était tu,
laissa s’échapper un déchirant sanglot
et commença son récit avec un tremolo :
« Je me rappelle aussi de ce jour glorieux
où, jeune et plein d’espoir, je m’en fus
par le monde mes livres libérer, convaincu
que le Bookcrossing était devenu mon Dieu !
Par monts et par vaux je courais
et mes chers livres partout semais.
Le Royaume entier je sillonnais,
coins et recoins de mes livres décorais,
en attendant la JE tant désirée !
Les jours passèrent, les mois, les années,
rien n’arrêtait ma quête désespérée.
Les livres par milliers, par mes soins enregistrés,
déferlaient, tels des flots enragés.
Mes BCID se multipliaient, mes lâchers
m’occupaient nuit et jour sans répit.
Je ne dormais plus, je ne mangeais plus,
le Bookcrossing était toute ma vie,
obtenir une JE mon unique but.
Ah, pour un catch comme j’ai prié !
Enragé, rien ne m’arrêtait, puisqu’en ce Royaume
nulle JE se faisait, je n’étais pas homme
à me laisser abattre pour si peu.
Les mers je traversais, les continents je
découvrais et partout je libérais
à tour de bras mes livres enregistrés.
Dans toutes les langues je laissais
dans mes livres voyageurs, bien expliqués,
mes messages invitant le prochain lecteur
à signaler sans aucune peur
qu’à ce livre par lui découvert
un nouveau foyer était enfin offert.
Le tour du monde je fis,
pour relever le défi
d’une modeste JE obtenue !
Mais qui l’aurait cru,
que 40 ans passeraient
et qu’au pays je reviendrais,
honteux et déshonoré,
sans un seul catch signalé ?
Ma douce amie, me pardonnerez-vous
d’avoir un tel incapable pour époux ? »
Et le lord désespéré en pleurs s’effondra.
Sa femme, étonnée par un tel désarroi,
contempla longuement son mari.
Alors doucement, par la main elle le prit
et dans son bureau l’emmena.
Ces paroles elle lui adressa :
« Si je me souviens bien,
l’informatique en rien,
ne fut jamais votre fort.
Rien ne sert d’être amer,
votre profil de bookcrosser,
pour commencer vérifions. »
Et c’est ainsi simplement,
que le lord bien marron,
découvrit grâce à sa femme
que l’adresse email par lui déclaré
il y a si longtemps dans le passé,
contenait une erreur infâme :
une lettre manquante, une seule,
avait suffi pour que jamais
ne lui parviennent les JE tant convoitées !






N° 2

En ce début juin 1976, malgré un soleil brûlant, le parc du château de S…, au centre de l’Angleterre, semble plus beau que jamais. Ses pelouses vertes, toujours un peu hautes malgré les tontes fréquentes, font l’admiration et l’envie de leurs voisins, déçus par leurs propres prés jaunis.

Il est vrai que le 15 juin prochain, le château fêtera le centième anniversaire de la création de ses jardins et que tout est mis en œuvre pour que la fête soit un succès et les jardins au mieux de leur splendeur. Et c’est une réussite : jamais les buissons de roses n’ont été aussi luxurieux, jamais les roses plus parfumées ni plus grosses.
Les arbres semblent avoir grandi cette année plus que les précédents, leurs feuillages brillent de toutes les teintes de vert et les hêtres pourpres se détachent avec élégance sur ce fond de verdure.

Cependant au château l’atmosphère est morose.

Sir Cedric n’arrête pas de morigéner les domestiques.
Bien sûr il s’adonne (déjà !) au bookcrossing, mais il n’a quand même pas libéré la vieille bible familiale où sont mentionnés les naissances et les baptêmes de tous les membres de sa famille. Alors pourquoi ne la retrouve-t-il pas ?
Et le nécessaire à écrire, que sa défunte femme lui a offert quelque vingt ans plus tôt et qui ne le quitte jamais, où est-il ?
Et sa robe de chambre préférée, cela fait au moins une semaine que personne ne peut mettre la main dessus….
Le dix juin, l’intendant s’inquiète : il est temps de préparer les chambres des invités, or il y manque des meubles et dans la lingerie on ne retrouve plus les draps et les couvertures. De plus certaines fenêtres ont été brisées par les branches d’arbres proches du château.
A la cuisine, on se demande où sont passés les énormes faitouts, que l’on n’utilise que lors des réceptions exceptionnelles. Heureusement que la nourriture, elle, ne manque pas : jamais le potager n’a produit d’aussi gros légumes !
La clé de la bibliothèque a été égarée, impossible d’y pénétrer. 
Et l’aile gauche du château, était-elle aussi courte ?

15 juin ! C’est le grand jour. Le parc resplendit, la végétation est si dense qu’on n’aperçoit plus le château de la grille d’entrée.

Les invités arrivent, toutes les relations et la parentèle de sir Cedric.
Les grilles s’ouvrent seules devant les automobiles étincelantes sous le soleil.

Mais où est le château ? Les domestiques ? Le maître des lieux ?

Les invités, hagards errent sous les frondaisons luxuriantes, au milieu d’oiseaux exotiques qu’on n’a jamais vus dans ces régions…
Quarante ans plus tard, Sir Cedric fut déclaré officiellement mort.

N° 3

Ce soir-là, Lord George Bingham rentra abattu de la Chambre des lords, épuisé par un débat sans fin sur un sujet qui lui semblait particulièrement futile. Et comme à son habitude lorsqu’il était abattu, il se mit à penser à son père.

Son père, mystérieusement disparu depuis plus de quarante ans, le lendemain même du soir où la mère de George avait été sauvagement agressée, et sa nourrice assassinée. Son père, condamné par contumace, puis déclaré mort après quarante ans sans signe de vie. Mais son père était-il réellement coupable ? Et était-il réellement mort ?
Chaque fois qu’il y repensait, Lord George Bingham se disait que les preuves à l’encontre de son père étaient accablantes. Le soir du drame, son père s’était réfugié chez un couple d’amis communs, terriblement secoué et clamant son innocence. Or l’agression avait été commise alors même que ses parents vivaient séparés depuis plus de deux ans; il n’y avait donc pas d’explication évidente à sa présence sur les lieux du drame. La preuve la plus accablante était sans conteste sa voiture, retrouvée maculée de sang dans le sud de l’Angleterre. Et enfin, il y avait le supposé motif: récupérer la garde des trois enfants suite au décès de leur mère. Si ce n’est que la nourrice se serait interposée, et aurait été tuée à sa place.
Et pourtant, certains éléments ne collaient pas. Comment expliquer que son père soit arrivé chez le couple d’amis sans la moindre trace de sang ou de lutte ? Et surtout, comment expliquer qu’un homme aussi lucide et rationnel que son père – si ce n’est quand la passion du jeu s’emparait de lui – ait pu imaginer un instant que l’assassinat de son ex-femme lui permettrait de récupérer la garde de George et de ses deux sœurs ? Son père devait nécessairement savoir que sans alibi solide, il serait le premier à être soupçonné. Sans compter qu’aussi loin que George puisse se souvenir, il n’avait jamais vu son père se départir de son flegme et de son calme. Imaginer son père assassiner une femme avec un tuyau en plomb relevait de l’impossible.
Assis face à son bureau, Lord George Bingham replongea peu à peu dans les souvenirs de son enfance, ceux des temps heureux d’avant la séparation de ses parents. Il aimait tout particulièrement se souvenir des moments passés ensemble à lire des histoires, moments qui marquèrent le début de sa passion pour la lecture.
Il s’arracha à sa rêverie et commença à ouvrir la pile de courrier posée sur son bureau. Un roman reçu via le bookcrossing, deux factures, et une lettre manuscrite dont l’écriture lui rappelait vaguement quelque chose. Il ouvrit la lettre et se tétanisa. Incapable d’assimiler le sens de ce qu’il avait lu, Lord George Bingham resta un très long moment immobile. Puis doucement, il reposa la lettre sur le bureau. Ainsi, son père était actuellement mourant. Ainsi, il avait la réponse aux questions qui le hantaient depuis plus de quarante ans.


N° 4

Septembre 1991

Jeudi. Je tourne en rond depuis si longtemps… Ma vie n'a plus aucun sens. Je m'ennuie profondément. Du matin au soir. Margaret m'ennuie. Elle me harcèle sans arrêt avec sa propreté et ses « mets tes chaussons » par ci par là. Tout m'ennuie. J'aimerais en finir, mais même cette idée m'ennuie.
Mardi. J'ai vu hier un reportage sur cet homme qui a été retrouvé pris dans la glace. C'était étonnamment émouvant. Peut-être s'ennuyait-il lui aussi. Aucune technologie, pas de livres, pas de bookcrossing. Seulement quoi ? Des mammouths ? Des bisons laineux ? Et survivre. Juste survivre. Au moins sa vie n'aura-t-elle pas servi à rien, puisque la découverte de son cadavre va permettre au monde entier d'améliorer ses connaissances (pré)historiques. Ma vie, à moi, est uniquement vide et ennuyeuse. J'ai de l'argent, beaucoup d'argent, mais pour quoi faire ?
Novembre 1991
Depuis le temps que j'y pense, mon plan prend forme. J'ai déjà mis 35 000 livres de côté. Cela devrait m'aider à mener à bien ce projet insensé. En traînant dans les bas-fonds londoniens et en arrosant largement bon nombre de malabars infréquentables, j'ai enfin réussi à rencontrer THE Freak ! Il m'a fabriqué plusieurs faux passeports. Summerset, Winnypeg, Adams, voilà quelques uns des nouveaux noms que je vais étrenner très prochainement.
Janvier 1992
Youssouf (notre passeur) m'a dépouillé et j'ai bien cru que j'allais y rester, mais j'ai fini par arriver sur la côte. Sain et sauf, grâce à Dieu. Beaucoup n'ont pas eu ma chance. Je pense que j'ai perdu une quinzaine de kilos. Mes vêtements sont des loques. Margaret froncerait probablement le nez si je m'approchais d'elle. Je ne dois pas sentir le lord anglais…
Mars 1992
Je suis las. Je doute. Une chose est sûre, je ne m'ennuie plus. J'ai faim. Mon estomac crie et se tord de douleur nuit et jour. Je ne dors plus. Je crois que je serais prêt à manger n'importe quoi. (N'est-ce pas ce que je fais déjà ?)
Avril ? Mai ?
Je ne sais plus quel jour nous sommes. Je touche au but. Je ne me souviens pas comment j'ai eu la force de ramer jusque là. J'ai frappé un homme pour lui voler son matériel et ses vêtements. Je l'ai peut-être tué. Et le pire, c'est que cela m'est égal. Le froid engourdit mes membres. Mon cerveau fonctionne au ralenti. Que pense Margaret ? Porte-t-elle le deuil ? Cette horrible robe noire informe qu'elle avait trouvée à la mort de son frère ! J'en frissonne encore…
Je ne pensais pas que le froid pouvait faire si mal.
Je n'en peux plus. Je voudrais renoncer, mais je n'ai plus aucune force. J'ai l'impression d'être déjà momifié. Ötzi, as-tu autant souffert que moi ?

Quand cessera-t-on de penser à moi et de me chercher ?

Quand me retrouvera-t-on ?
Quand ma vie prendra-t-elle enfin de la valeur ?
Quand ?…
Septembre 2031 : Sans nouvelle de Lord Abel Climber quarante ans après sa disparition, nous, juge Aaron Park, le déclarons officiellement décédé.


N° 5


Aux antipodes pour rien

- Allo, ici la Maison des Chefs Coutumiers des Tokelau…
- Je vous demande pardon ?

May Carlsen ne comprit pas tout de suite qui l’appelait. A sa décharge, personne en Grande-Bretagne n’était habitué à recevoir des messages vocaux des Tokelau.
- Vous dites, «des ossements humains» ? demanda-t-elle.

L’homme océanien confirma. Des restes humains avaient été retrouvés sur un îlot du Pacifique, sous le plancher d’une case. Or, comme une piste ténue reliait la disparition de Lord Lucan à la Nouvelle-Zélande, cette nouvelle mit tout le service en alerte. Depuis le temps qu’on le cherchait, le lord assassin présumé qui avait fui après son forfait ! Alors, si les débris étaient… C’était presque trop beau.

Eh bien, Helen, ajouta May, qu’avez-vous trouvé sur les Tokelau ?
L’assistante expliqua que l’archipel des Tokelau appartenait à la Nouvelle-Zélande, qu’il comptait très peu d’habitants et qu’Internet y fonctionnait depuis deux ans seulement. Aucun grand hôtel ne s’y dressait, mais on pouvait réserver une chambre chez l’habitant en s’adressant à la Maison des Chefs Coutumiers qui avait deux lignes de téléphone et un e-mail. Enfin, aucun livre du bookcrossing n’avait jamais été libéré là-bas. La création d’une OBCZ était discutée: l’OBCZ la plus isolée du monde ! Car Tokelau n’avait pas d’aéroport, il fallait atterrir aux Samoa et prendre un bateau pour y aborder.
Quelle odyssée pour une expertise, soupira May.
Néanmoins, May Carlsen dut se rendre sur place. Après une vingtaine d’heures d’avion, plusieurs escales interminables à cause de retards et d’encombrements – comment l’aéroport d’Apia, aux Samoa, pouvait-il être surchargé ? Tant de gens fréquentaient-ils les Samoa ? – elle monta dans un bateau flambant neuf baptisé Burdeos. 

Elle souffrit d’un léger mal de mer. La variante qui ne pousse pas à vomir mais donne une sensation d’inconfort permanent s’imposa à bord. Elle tenta de lire Moby Dick, mais les lettres rebelles frémirent devant ses yeux. Même résultat avec L’Affaire Jane Eyre. Bref, quand elle descendit la passerelle et posa le pied sur le quai, May éprouva un réel soulagement.

- Mrs. Carlsen ? résonna une voix un rien maniérée, celle du vice-président du bureau du tourisme.
- C’est moi-même…
Son interlocuteur, mince, arborait le teint habituel des Polynésiens. Il avait l’air d’un pêcheur de lagon qui se serait séché et habillé en vitesse à l’annonce de l’arrivée du bateau des Samoa. Et c’était exactement son cas.

L’insulaire d’humeur pacifique (ceux d’humeur atlantique étaient mutés à Sainte-Hélène) se confondit en excuses. Les ossements humains examinés ne pouvaient pas appartenir à Lord Lucan. La case avait été bâtie avant sa disparition énigmatique. Ce devait donc être un autochtone.

- Alors, vous m’avez fait accomplir un demi-tour du monde pour des prunes ?
- Oh, dans les faits, oui, mais demain commence la fête du lagon, il y aura de la musique et on dansera. Vous ne serez pas venue tout à fait pour rien… conclut, patelin, le factotum.
May Carlsen ne put que sourire devant tant de candeur.

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